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Zizanie et pétitions à Revel

Publié par Marie Christine Duval le mardi 17 janvier 2023

En ce début du Premier Empire, la communauté de Revel cause bien des tracas à l’administration du département. C’est « l’affaire de Revel » qui va occuper sous-préfet, préfet, procureur et juges pendant plusieurs années. 

Les citoyens sont divisés en clans qui vont s’opposer violemment. Les maires se succèdent dans un déchainement de critiques et d’accusations de toute sorte ; à cette époque ils ne sont pas élus mais nommés par le préfet et bientôt plus personne n’osera accepter la fonction.

On le sait, ces paysans savaient signer et ils ne vont pas s’en priver : la préfecture reçoit courriers, plaintes et pétitions des chefs de famille de chaque clan, les juges consignent des dépositions. Deux pétitions opposées comportent plus de 60 signatures, soit près de la moitié des actifs de la commune. Il est rare de trouver autant de signatures sur un même document d’archive. On pourrait reconnaître un de ses ascendants parmi les partisans des différentes municipalités qui se déchirent.

pétition Vinatier Revel 2
la pétition de Vinatier, un document qui est passé de main en main

En mai 1804 c’est l’ancien maire Pierre Vinatier (1) qui fait circuler une double page de maison en maison. Il y accuse son successeur Pierre Chauvet (2) d’exiger et encaisser des suppléments aux impôts légaux, de détourner les amendes pour délits forestiers, de faire payer à son profit les extraits d’actes d’état civil et sa signature sur les passeports… « il se permet de consentir que les habitants tiennent des troupeaux de chèvres et d’exiger d’eux une livre et demie de fromage par bête ».

Mais les autorités savent à quoi s’en tenir avec le virulent Pierre Vinatier qui a lui-même été révoqué en attendant son procès pour corruption, et qui n’a jamais rendu ses comptes. Pierre Chauvet est révoqué par décision du ministère pour calmer les esprits, mais il est acquitté par le tribunal local. Lui aussi se défend avec une pétition d’une soixantaine de citoyens. Les dépositions devant les juges sont folkloriques : un petit vieux affirme qu’il a dû donner une vache au maire, mais tout le monde sait qu’il n’a jamais eu de vache et qu'il est bien trop pauvre pour en payer une. On accuse aussi Chauvet d’avoir fait exempter le fils du maire de Saint Vincent (même canton) … mais celui-ci a été légalement réformé, alors on s’indigne d’être obligé d’évoquer son infirmité en public…

pétition chauvet
La pétition Chauvet sur 2 pages
pétition Chauvet Revel (2)

Les signatures recueillies par Pierre Chauvet : le document est mieux ordonné et moins souillé que le précédent !

Plus sérieusement, à l’occasion, on découvre un système de faux rôles d’impôts, d’un montant supérieur aux taxes légales, qui avait été mis en place du temps de Vinatier, et de faux reçus viennent s’ajouter aux faux mariages déjà découverts et invalidés dans une autre affaire : « la fabrique de mariages »… Le sieur Brun, percepteur, part en prison et le procès de Vinatier devant le « jury spécial » de l’époque se complique en rebondissements. Les habitants lésés sont remboursés mais la zizanie continue.

C’est ensuite au jeune notaire André Chalvet (3) qu’échoit la rude tâche de premier officier municipal. En avril 1806 un pugilat éclate pendant la séance qui se tenait « à Saint Jacques dans l’écurie du sieur Jean Baptiste Derbez faute de maison commune ». Un jeune conseiller, Louis Derbez (4), manque de se faire rosser par les partisans de Vinatier qui lui reprochent de ne pas être éligible au conseil car non propriétaire, il est seulement le « mari d’une propriétaire ». Il démissionne et bientôt André Chalvet fera de même malgré les moyens d’ordre public mis à sa disposition : gendarmes, et procureur qui viennent à la séance du conseil.

 Louis Derbez écrit au préfet dans sa lettre de démission : « jamais la paix ne sera dans la commune tant que Vinatier et les siens ne gouverneront pas ou ne seront pas mis hors d’état de nuire ».

lettre de démission Louis Derbez 1806 Revel 2
lettre de Louis Derbez

Pierre Vinatier n’a plus « gouverné ». Son procès a traîné pendant des années, jusqu’à être délocalisé, un doute a plané sur l'impartialité du jury d’accusation de Barcelonnette. Il s’est éteint à 80 ans en 1822, chez lui à Revel.

(1)  Jean « Pierre » VINATIER feu Hyacinthe, 1742/1822, cultivateur, habitant du hameau de Girardesse, marié à Catherine Roux ,1764/1835.

(2)  Pierre CHAUVET de Joseph et Angélique Audiffred, négociant, 1765/31.12.1827, habitant des Méans, marié en 1790 à Marie Anne Manuel à Jausiers.

(3)  André CHALVET feu Jean Ange, 1766/1842, notaire, habitant du hameau des Méans, marié à Marie Catherine Caire en 1787. Il redeviendra maire dans les années 1820.

(4)  Louis DERBEZ feu Joseph, cultivateur, au hameau des Prats, 1770/1847, marié en 1800 à Anne Marguerite Donnadieu.

Sources : Archives départementales des Alpes de Haute Provence liasses 2U05 et 3U4

 

 

 

  

 

 

 

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