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Une petite bergère au tribunal

Publié par Marie Christine Duval le mardi 13 décembre 2022

Thérèse Hermelin n’a pas bien gardé les moutons, ils ont mangé le trèfle du voisin. A 12 ans à peine la voilà inculpée par le tribunal de Barcelonnette.

C’était le 16 mai 1810, au Chastel, hameau du Laverq. Pendant presque tout le jour, Thérèse Hermelin a gardé « à vue » le troupeau de son père, composé d’environ 60 brebis, sur une propriété ensemencée en trèfle appartenant au voisin Jean Jacques Tron.

chastel
Le Chastel , photo Sandrine

L’affaire aurait pu se régler entre voisins, mais pour des raisons non précisées, le propriétaire porte plainte pour destruction de récolte, et la petite bergère qui n’a pas encore 12 ans révolus est inculpée. On ne plaisante pas à cette époque avec les préjudices causés aux récoltes : le prévenu risque une amende au moins égale aux dommages, de la prison le plus souvent, et même la peine de mort dans les cas graves…

Thérèse ne se présente pas au procès, c’est son père Jean Pierre Hermelin qui est présent, mais c’est bien elle que l’on juge. De toute façon il est fort probable que la fillette n’aurait rien pu répondre à ses juges, en effet les petites filles ne parlaient pas le français, seulement le provençal des « gavots ». C’est à l’école qu’on apprenait le français, et les filles n’étaient pas encore scolarisées. Les juges cependant s’appliquaient à ne s’exprimer qu’en français. Les gavots devaient payer l’assistance d’un avoué qui faisait alors office d’interprète.

Le jugement est expéditif, Thérèse « faisait dépaître à vue », du trèfle avait été semé par Jean Jacques Tron des Esmarins. Le dommage est estimé à 30 francs, l’amende plus les frais de procédure s’élève à 50 F et 36 centimes ; pour le paiement « la prévenue sera contrainte par toutes les voies de droit et même par corps ». Etant donné sa minorité, c’est son père qui sera responsable des paiements. L’occasion pour le juge de citer le Code Napoléon de 1804, et sa fameuse formule : « Les maris, pères, mères, tuteurs, maîtres, entrepreneurs de toute espèce seront civilement responsables des délits commis par leur femmes, enfants, pupilles, mineurs n’ayant pas plus de 20 ans et non mariés » (les femmes sont toujours mineures...)

On ne connaîtra pas les dessous de cette affaire judiciaire, ni les circonstances exactes du délit, mais il est sûr que les relations de voisinage entre Hermelin du Chastel et Tron des Esmarins ne devaient pas être bien cordiales.

 Thérèse était née le 29/09/1798 au Laverq, fille de Jean Pierre Hermelin feu Joseph et Rose Jaubert, qui habitaient au Chastel. Elle épousa Pierre Louis Collomb le 27/01/1824, avec qui elle est allée vivre au hameau du Duc. Ils eurent une nombreuse descendance.

Jean Jacques Tron le voisin était fils de Joseph et Marie Rose Hermelin, le 14/09/1797 il avait épousé Marie Catherine Laurens.

Source : Archives Départementales AHP cote 3U4/345

 

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