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Méolans et ses trois quartiers

Publié par Marie Christine Duval le mardi 16 janvier 2024

 Quand Madame Royale, Régente de Savoie, signa de sa main des lettres patentes à la demande des habitants du bourg de Méolans, de Saint Barthélémy et du Laverq.

 La communauté de Méolans était administrativement divisée en trois quartiers : la Ville dans la vallée, Saint Barthélémy et le Laverq en montagne, distants de plusieurs kilomètres.  Au dire des habitants d’en haut, ces trois quartiers « n’avaient rien en commun si ce n’est le nom de communauté ». L’entente était difficile au sein du conseil général de la communauté, on contestait la légitimité des décisions, la répartition et le mode de paiement des charges. C’était plus qu’une simple querelle de clocher, le vallon du Laverq voulait son indépendance et ses représentants s’engagèrent dans une longue procédure. Requêtes au Duc de Savoie, lettres patentes des souverains successifs, audiences du Sénat de Chambéry, du Sénat de Nice, l’affaire dura pendant six ans de 1635 à 1641… et coûta très cher.

Méolans chef lieu 2022 1
Saint Barthélémy 6 avril 22- 17
laverq aérien l'abbaye sur site chalaisien

Les trois paroisses de Méolans, regroupant de multiples hameaux...

« Les uns payent et les autres non », tel est le résumé du différend qui oppose la montagne au chef-lieu. Les « sieurs de Ville » payent moins d’impôt, tardent à le recouvrer et le verser au Duc, les pénalités de retard collectives s’accumulent. Les corvées de chemin seraient inégales, les indemnités pour les armées de passage trop mal réparties. En bas de la vallée on doit nourrir et loger les soldats de passage : les gradés dans la maison, la troupe campant autour ou dans les granges ; d’en haut du vallon on doit descendre foin, blé et bois aux militaires qui montent rarement plus haut que Saint Barthélémy ; chacun estime sa contribution plus coûteuse que celle des autres.

Les habitants de Saint Barthélémy et Laverq font appel, selon la formule de l’époque, au « bon plaisir » du Duc de Savoie, ils lui demandent de procéder à la division des dettes communales par quartier; puisque c’est le quartier de ville qui tarde à payer, ils ne veulent plus en subir les conséquences. Le 11 avril 1635, à Turin,  Victor Amédée Ier charge le juge de Barcelonnette de procéder à une enquête et donner son avis au conseil suprême. L’affaire n’est pas si facile ; après d’autres lettres patentes en aout 1636 et février 1637,  ce n’est qu’en mars1637 qu’une répartition de dettes est finalisée par l’avocat Jacques Béraud de Barcelonnette sur la base du cadastre. Alors ce sont les « sieurs de Ville » qui se sentent lésés, ils font appel par-devant le Sénat de Nice en avril 1638. La procédure continue.

Mais cette période est particulièrement difficile pour toute l’Europe, en cette fin de « guerre des trente ans ». Victor Amédée I décède en octobre 1638,  la duchesse régente Christine de France (fille d’Henri IV et sœur de Louis XIII) , appelée Madame Royale par ses sujets, se replie avec sa cour dans son château de Chambéry.  La Duchesse de Savoie signe de sa main le 29 avril 1640  les lettres patentes qui confient l’affaire au Sénat de Chambéry. C’est Jean Clariond feu Pierre* qui doit aller chercher les conclusions à Chambéry en 1641.

Chambery 1645
christine de Savoie madame de France coll departement savoie

Chambéry à l'époque et Christine de France en veuve © Département de Savoie

L’affaire a assez duré pour les autorités. Elle a déjà couté aux habitants 427 florins et 2 sous en monnaie de France, au risque de les ruiner ; des particuliers ont déjà été saisis, leur bétail va être vendu aux enchères. La communauté est surendettée. Le Conseil de Son Altesse Royale, ordonne que les trois quartiers doivent se comporter «comme ne faisant, devant faire et représenter qu’une seule et vray communaulté » pour le bien public et le service de Sa Majesté.

C’est donc le gouverneur de la vallée de Barcelonnette, Maurice Marchisio, qui va décréter un règlement collectif, sous la forme de « convention et accord entre la communauté de Méolans et les particuliers des quartiers de Saint Barthélémy et Laverq », en date du 17 juillet 1641. Les frais de procès sont répartis à proportion du cadastre entre les trois quartiers qui renoncent à leur procès « à tout jamais ».

Les nouvelles règles

L’administration communale s’articulera désormais autour de 7 points essentiels qui resteront appliqués jusqu’à la Révolution, même après le rattachement à la France en 1713 :

1)      Toute dette passée et avenir sera supportée, répartie et acquittée par les 3 quartiers réunis en une seule communauté et chacun à proportion de son cadastre, sauf dette imputable à un seul quartier qui en sera responsable. 

2)      L’exaction de la taille (recouvrement de l’impôt foncier) pourra être fait par un seul exacteur ou au choix par deux : une personne pour le quartier de ville et une autre pour les quartiers de Saint Barthélémy et Laverq, qui rendront compte au dit lieu de Méolans et non ailleurs.

3)      Les mandats de dépense seront signés par les deux consuls, une seule signature sera nulle. (La communauté était déjà administrée par 2 « consuls » élus, l’un par la ville et l’autre par St Barthélémy et Laverq).

4)      Personne ne pourra être délégué au nom de la communauté sans consentement des deux consuls… « sauf que l’affaire ne fut si pressante qu’on n’eut le temps d’adviser le consul des quartiers de Saint Barthélémy et Laverq pour venir donner son consentement ».

5)      Les remboursements pour logement des soldats ou fournitures en nature seront liquidés par les deux consuls ou des personnes déléguées par eux deux.

6)      Il sera procuré au plus vite et aux frais de la communauté un « archif » pour les livres de compte et pièces justificatives : c’est-à-dire un coffre, placé dans la sacristie de l’église de Ville « comme de coutume ». Un coffre à deux serrures à deux clés différentes, une pour la Ville et l’autre pour Saint Barthélémy et Laverq, « afin que ne soit ouvert ni visité sans la présence et consentement des deux consuls ».

7)      Les cadastres de Saint Barthélémy et Laverq seront réunis au plus vite avec celui de Méolans en un seul volume et une copie sera déposée dans « l’archif ». ( et tout brûla dans l’église une cinquantaine d’années plus tard, du fait des troupes de Sa Majesté Très Chrétienne : Louis XIV).

Cour de Savoie Thomas et C
cachet duc de savoie

La cour de Savoie à l'époque , un cachet ducal aux archives départementales des AHP

Source :  Archives Départementales des AHP Registre 2E11760 folio 262v et suivants

 *Jean Clariond feu Pierre époux de Catherine Audiffred, voir dans la base du site la généalogie de la famille .

(Désolés! nous avons trouvé le portrait de la duchesse mais pas celui de Jean Clariond)

 A voir ou revoir, une autre velléité d’indépendance du Laverq en 1790 :

L'éphémère Commune du Laverq - Laverq.net

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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