La maîtresse à la marmotte
Mademoiselle Olga a enseigné pendant plus de trente ans à Allos, jusque dans les années 1960. C’était la maîtresse à la marmotte, on ne l’a pas oubliée.
Olga Pellat était une petite dame d’aspect austère, sévère de réputation, et pourtant moderne et bien dans son temps.
Exigeante avec les écoliers, c’est sûr Melle Pellat l’a été, non sans succès puisque plusieurs de ses élèves sont devenus enseignants. Cette réputation est bien connue, anciens élèves et famille la confirment. Dans les années trente, au début de sa carrière, ses deux plus jeunes sœurs ont fait partie de sa classe, elles se souvenaient bien qu’il fallait montrer aux autres enfants qu’il n’y avait pas de favoritisme. Plus tard ses neveux ont bénéficié d’aide aux devoirs, comme on dirait aujourd’hui, même après son départ en retraite. Ils diront « les devoirs avec Tante Olga sont maintenant une légende familiale ». Mais il faut préciser tout de même que cette Tatie « pas très cool » avait déjà la télévision, ce qui compensait largement le supplice. Avant de regarder la télé, il fallait faire ses devoirs sous stricte surveillance, et s’il n’y avait pas de devoir, une dictée.
Pas si vieux jeu que ça Olga ! Elle était férue de littérature et de théâtre, et participait activement aux animations culturelles en plein essor dans sa vallée.
Toute sa vie, Olga, qui a vécu les deux guerres, a soutenu sa famille dans des périodes très difficiles et aidé les autres, aussi bien matériellement que moralement.
Fervente catholique, elle s’est engagée dans le mouvement progressiste de la jeunesse agricole, dont une revue a publié son étude sur l’amélioration de l’éducation en milieu rural.
Dans le bouillonnement de l’après-guerre et cette mouvance, Olga passe tous les étés au lac d’Allos, dans le petit presbytère à côté de la chapelle. Il n’y a pas encore la route carrossable jusqu’au Laus, on y monte à pied. Les groupes de jeunes sont nombreux à suivre ces nouveaux curés ouverts au monde moderne, et dynamiques : ils disent la messe tout en haut de la montagne, (c’est l’époque à laquelle on consolide la chapelle du lac, où on plante une croix sur Rochecline…). Olga participe activement et assure le ravitaillement de tous, ce n’est pas de tout repos. Le « presbytère » n’est qu’une sommaire cabane sans confort. Il faut descendre chercher l’eau au lac, la corvée de vaisselle nécessite de pénibles aller-retours.
C’est là qu’ Olga a apprivoisé sa fameuse marmotte : « Marmousson » répondait à son appel, elle accourait et lui tenait compagnie pendant les moments calmes. Que s’est-il passé pour que toutes deux deviennent inséparables ? Est-ce que Marmousson a perdu sa place dans le terrier collectif ? Toujours est-il qu’un jour d’automne Olga est revenue du lac avec Marmousson et l’a installée dans le sous-sol de l’école, où elle a pu hiberner tranquillement. Les enfants pouvaient l’observer, et l’étudier bien sûr, par un soupirail sous l’escalier extérieur ; ils l’ont vu se réveiller au printemps et l’ont nourrie. Qu’on se rassure, l’animal n’a pas été maltraité et a retrouvé le lac. Les discussions vont bon train pour savoir pendant combien d’hivers a perduré ce vivarium montagnard. (Les marmottes peuvent vivre au moins une quinzaine d’années). Olga était devenue la célèbre maîtresse à la marmotte.
Olga était née à Allos en 1909, premier enfant de Marie Chalve et Adrien Pellat, mariés en 1908 (Adrien était un neveu de Casimir Audemard, le dernier forgeron du Laverq).
La petite famille part dans le Jura où Adrien a été nommé douanier, Marie y sera couturière. Hélas cette nouvelle vie sera de courte durée, Adrien met fin à ses jours avec son arme de service. Au terme d’un voyage très éprouvant, Marie revient à Allos chez ses parents avec la petite Olga et met au monde une petite fille posthume, Adrienne Pellat, en 1911.
Marie Chalve se remarie le 27 avril 1914 avec Ferdinand Pin, de Valboyère. Trois mois plus tard c’est la guerre, Ferdinand part sur le front, il ne sera démobilisé qu’en 1919. C’est une période très difficile, il faut survivre à la montagne dans des conditions plus que modestes, et grâce à un labeur incessant de tous, y compris grands-parents âgés et enfants.
Olga et Adrienne auront 6 demi-frères et sœurs. Ferdinand a toujours considéré Olga et Adrienne comme ses propres filles. Ainsi Olga est devenue l’ainée d’une grande famille. Grandir pendant toutes ces épreuves lui avait donné le sens des responsabilités.
Photos et récits : familles Bianco, Pin et parentèle
A lire ou relire l’histoire de la famille Pin de Valboyère: