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Il y a une limite à tout

Publié par Christian Michel le mardi 17 octobre 2023

S’il a existé dernièrement une contestation de limite communale avec un habitant de la Bréole, ce n’est rien au regard de ce qu’ont connu pendant des siècles la commune de Saint Vincent et sa voisine , Le Lauzet.

 Tout commence en 1388 où les communautés de la vallée de l’Ubaye jusqu’au Lauzet firent allégeance volontairement au Comte de Savoie Amédée VII dit le Comte Rouge. On a appelé cet évènement la « dédition ». Cela a eu pour conséquence une nouvelle limite de frontière entre la Savoie et non pas la France, mais la Provence (qui ne devint française qu’en 1481).

paysage la mandeysse
Paysage depuis La Mandeïsse © dignois.fr

Pour ce qui nous intéresse la limite passait au bord du pré du Clos du Dou, non loin de la cabane en bois actuelle, une mission de bornage ayant eu lieu en 1499. Tout ce territoire deviendra français en 1713 par le traité d’Utrecht.

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Le ravin, à la frontière. photo aérienne 1970, du Pas de la Tour © Archives Départementales des AHP.

Au 17ème siècle la communauté de St Vincent est criblée de dettes. En ces temps de guerre et d’instabilité permanente elle devait s’acquitter de lourdes charges. Quand les troupes royales passaient, la communauté devait fournir fourrage et nourriture pour les bêtes et les hommes. Elle empruntait donc de l’argent qu’elle ne pouvait rembourser tant le passage des troupes était fréquent.

Il y eut donc un jugement rendu le 9 aout 1639 par Mr de Champigny, conseiller du Roi, intendant de police et de justice du Comté de Provence. Il réunit des experts pour estimer les propriétés communales de St Vincent, vérifier les limites et les affecter au paiement des dettes de la communauté. La Montagnette, « Pré Balaour »(Pré Balout) et « Pré de Peyre » (la Pierre) furent cédés à Mr du Chaffaut. Le Bois noir, le Clos du Dou, les Sagnes du Col, le Chatelard, et le bois des « Trass Lou Pas » donnés en paiement à Mr Antoine Savornin. Quant au bois et terrains de « Fayenc » (bois du foin « le fein »), Terre Tronchet, Peyras et « Rocher dessous le fort », ils sont attribués à la famille De Lautaret (du Lautaret).

Savornin A et de Lautaret
Grandes familles du XVIIe, Savornin et Tavan de Lautaret, Clichés Bénédicte Savornin

Comme on peut le constater, c’est une grande partie du patrimoine communal de St Vincent qui est cédé à cette époque. Tout le domaine qui touche Le Lauzet est « travaillé » ou donné en pâture aux animaux des habitants de La Mandeïsse ( au 19ème siècle le hameau est orthographié « l’Allemandeïsse »).

Au 18ème siècle la communauté de St Vincent rachète peu à peu les propriétés citées plus haut, sauf celles de Mr de Lautaret qui refuse de les céder.

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Cadastre dit napoléonien, Le lauzet, Archives Départementales des AHP.

Un procès retentissant opposant St Vincent et Le Lauzet

Mais l’habitude était prise et les habitants de La Mandeïsse continuèrent de faire pacager leurs troupeaux. Il y eut ainsi au long du 18ème et 19ème siècle toute une série de contestations de limites entre les communes de St Vincent et du Lauzet, qui aboutit en 1840 à un procès retentissant entre les deux communes, St Vincent ayant pris un avocat célèbre à l’époque, Maître Tholozan d’Embrun. Sa plaidoirie a été imprimée à Aix en Provence et est toujours lisible aux archives départementales. La commune de St Vincent gagne le procès et la commune du Lauzet se résigne à ne pas faire appel. Les relations entre les deux communes sont fraîches…

En 1843 le préfet des Basses Alpes oblige les communes du département à délimiter les bois communaux (arrêté du 19 juillet 1843). Les travaux devaient commencer en octobre 1843 mais une importante quantité de neige les en ont empêchés. L’opération est renvoyée au 2 septembre 1844. Comme les bois communaux de St Vincent touchaient ceux du Lauzet, on leur avait demandé d’être présent ce jour-là. Le Maire et le conseil municipal du Lauzet refusèrent de s’y rendre et la délimitation se fit sans eux, sous l’autorité d’ Auguste Clément, arpenteur forestier. Ce procès eut pour conséquence l’appauvrissement et le déclin du hameau de la Mandeïsse qui se voyait privé d’une partie du territoire vital à son économie.

La commune de St Vincent avait certes gagné son procès, mais elle en est sortie ruinée et a été obligée de faire un emprunt de 6000frs en 1886 pour équilibrer son budget et faire face au remboursement de la dette.

La dernière délimitation des deux communes que l’on espère définitive eut lieu en 1879. Heureusement depuis ce temps-là beaucoup d’eau a coulé sous le pont du « Pas de la Tour » et les relations entre les deux communes se sont normalisées.

arpenteur BNF

la difficile mission de l'arpentage... image BNF

Cours complet d'arpentage élémentaire ...]Puille BNF
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