Il faut payer le notaire !
A Méolans, dans la famille Honorat les fils ainés étaient notaires de père en fils.
Cinq générations de notaires Honorat nous ont laissé un nombre impressionnant de registres de 1638 à 1775. Ces recueils d’actes notariés nous racontent l’histoire patrimoniale des familles, mais aussi l’histoire de la vallée, car ces scribes étaient secrétaires des communautés. On peut ainsi retrouver la plupart des délibérations de divers conseils dans leurs registres.
La lignée Honorat s’éteint avec Jean Baptiste, qui décède en 1775 sans descendance. Il désigne sa sœur Agnès Honorat épouse Arnaud héritière universelle, et son jeune neveu et filleul Jean Baptiste Arnaud prendra sa succession dans l’étude, tout en conservant ses activités d’avocat, puis juge à Barcelonnette.
En 1776 la famille Arnaud s’installe à Méolans dans la maison Honorat, créances et biens sont promptement réexaminés, et exigés, donnant lieu à une impressionnante série de quittances… Les débiteurs envers les héritiers sont nombreux car traditionnellement les notaires accordaient des prêts, il n’y avait pas de banque.
Plus originale est l’ action des héritiers envers la communauté, menacée de procès. Dame Arnaud réclame 1200 livres pour émoluments des délibérations rédigées par son frère et son père, qui n’auraient pas été payés pour le secrétariat des conseils, et même celui des paroisses. Donc la facture de 1697 à 1775, pas moins ! La prescription ne semble pas un principe de droit reconnu…
Les consuls répondent que les notaires Honorat avaient renoncé à être rémunérés et officiaient gratuitement pour les collectivités, qui payaient seulement les taxes d’enregistrement. Les héritiers réclament une preuve écrite de cet arrangement. On nomme deux enquêteurs, le notaire Derbez et André Hermelin, qui ne trouveront aucun document probant : de façon générale les contrats sont conservés par le notaire lui-même, il n’y pas de « maison de ville ». D’ailleurs quand il pleut ou neige, le conseil se réunit dans la maison Honorat.
Six mois plus tard, Jean Baptiste Arnaud, magnanime, ramène la dette à 800 livres au lieu des 1200 réclamés. Le conseil accepte. Il est aussi nommé secrétaire, un contrat est signé pour sa rémunération, mais les consuls exigent d’avoir à l’avenir un registre spécial des délibérations. Les 800 livres pourront être versés en 2 annuités… mais pas de crédit pour la paroisse de Saint Barthélémy qui doit encore 20 livres 12 sols pour les 4 derniers actes de l’oncle…
Généalogie :
Les notaires Honorat connus, de père en fils : Claude, Louis, François, Jacques et Jean Baptiste mort en 1775. Ils orthographient leur nom avec un seul N, mais d’autres collatéraux seront parfois nommés Honnorat avec 2 N, surtout à Barcelonnette.
On voyage loin, et même à l’étranger, en suivant la destinée des fils cadets et des filles de notaire. L’accession ou le maintien dans le patriciat repose sur un réseau d’alliances et de relations interfamiliales, le plus souvent dans le milieu mi-noble, ou bourgeois. Les recherches peuvent être difficiles car les notaires ne doivent pas rédiger eux mêmes les actes qui concernent directement leur propre famille, et ils peuvent se déplacer bien loin.
Agnès Honorat, fille de Jacques Honorat et Anne Marie Caire, a épousé Joseph Arnaud bourgeois de Jausiers, marchand de soie (famille des frères Arnaud partis en Amérique). Ils ont eu 11 filles et 6 garçons dont 2 la même année civile 1753. Leur fils Jean Baptiste Arnaud a fait une brillante carrière juridique, jusqu’après la Révolution, malgré quelques vicissitudes pendant celle-ci . Il a épousé Marie Elisabeth Laurent , fille de Joseph, procureur du Roy. Atteint d’une maladie pulmonaire, il est décédé lors d’un voyage à Lyon en 1803 à l’âge de 53 ans. La famille est alors partie vivre à Barcelonnette et Maître Derbez, juge de paix, a racheté la maison de Méolans.
Sources : registre archives départementales des AHP 2 E 12200