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Dans la maison d'en haut

Publié par Marie Christine Duval le mardi 22 février 2022

Comment vivaient les gens il y a 300 ans tout en haut du vallon ?

On trouve souvent dans les vieux papiers la liste détaillée de tous les biens indispensables pour subsister si haut dans la montagne. Le bétail et les objets de la vie de tous les jours constituaient une petite richesse difficilement acquise, soigneusement entretenue et précieusement transmise.

Les inventaires consignés par le notaire permettent d’imaginer la maison d’un « ménager », de l’étable à la grange, en passant par la pièce de vie ou une chambre.

Au hameau du Duc le 6 février 1734, Jacques Reynaud fu Jean Baptiste procède à l’inventaire de ses biens meubles. De graves ennuis de santé l’ont contraint à faire son testament, son fils est encore mineur il faut régler la transmission. Mais il se remettra de cette mauvaise passe et vivra encore quelques années de son troupeau et de l’exploitation de ses terres.

Le Duc
le hameau du Duc

Les inventaires mobiliers commencent toujours par le plus précieux : d’abord les bêtes de somme et le troupeau, puis l’énumération du matériel et ensuite celle des objets usuels de la famille. Enfin en principe, car bien souvent l’inventaire nous paraît brouillon : c’est le cas lorsque le notaire décrit tout ce qu’il voit autour de lui dans la pièce commune d’une masure, ou rajoute des objets omis.

Jacques Reynaud avait :

2 juments, dont 1 pleine
2 vaches pleines
70 bêtes d’avérage : moutons, chèvres ou agneaux

C’est un beau cheptel, le double des autres maisons du vallon à même époque. Posséder une vache n’est pas rare dans le Laverq. On y trouve aussi quelques juments mais pas de chevaux mâles. Pas de cochon non plus au cours du 18ème siècle, sauf chez le notaire de Méolans qui en avait acheté un aux Orres, de l’autre côté de la montagne !

Les outils sont désignés en vieux français. Beaucoup d’appellations ont disparu des lexiques académiques, mais dans l’ensemble il y a peu de particularismes locaux. Ce sont des outils essentiellement agricoles ou liés au travail de la laine et de la fibre de chanvre.

1 charrue
2 faux et 1 martellière
3 haches
3 barates
2 tines (tonneaux)
8 sacs usés
1 peigne à laine
1 trident, 1 pale de fer, 1marteau, 1 tenaille, 2 émines non ferrées, 2 cribles
et toujours du matériel difficile à identifier : quelques « volans » et « cumangle » …

peigne à laine 3
un peigne

Le meuble de rangement essentiel pour toute maison est la « caisse », c’est-à-dire un coffre, en bois blanc ou en mélèze, pourvu de serrure pour les plus luxueux. Chez Jacques Reynaud il y en avait 2 fermant à clef.

La maison disposait de 2 maies : des pétrins, qui pouvaient servir aussi de garde-manger ou de saloir (pour la viande de bouc…). Pour la conservation des principales provisions les céréales : une « chambre de bois et grenier dedans », c’est-à-dire une sorte d’armoire en bois épais avec compartiment à grain. Le seigle était plus fréquent que le blé. Le plus courant est un mélange des deux : le méteil.

 La table s’accompagnait de 3 chaises ; c’est assez luxueux, la plupart des familles n’ont que des bancs ou quelques petits tabourets faits maison.
5 serviettes et une nappe pour toute la maisonnée, le textile est toujours rare.

 3 bois de lit et accessoires dont un « garniment de serge, usé ». Il s’agissait la plupart du temps de lits à colonnes ou lits mi-clos garnis de « courtines » en toile : sorte de rideaux pour fermer le lit. Les matelas étaient des paillasses de chanvre ou de seigle.

4 couvertures seulement dans cette maisonnée de 4 enfants, espérons que les gens étaient moins frileux que nous : 3 flassades de chanvre et 1 seule de laine. Les draps de dessus sont appelés linceuls : ici 12 linceuls usés en toile de ménage, donc en chanvre.

L’énumération des ustensiles de cuisine est tout aussi minutieuse que celle des outils. Les objets indispensables sont difficiles à se procurer et coûtent cher.
Avant la diffusion des poêles à trois trous au 19ème siècle, les fameux « trèfles », la préparation des repas se faisait dans l’âtre. Le pot à feu est absolument indispensable, Jacques Reynaud en possédait 3, dont 1 petit et 1 seul en métal (les autres en poterie, de moindre valeur que le métal).

pot à feu

Les pots à feu se posaient sur un trépied ; pour suspendre à la crémaillère dans l’âtre on compte 3 chaudrons.

1 lampe et 1 fusil (briquet pour allumer le feu, ce n'est pas l'arme inventée plus tard).

Encore une poêle à frire, comme dans toutes les maisons du vallon, une écumoire et 2 écuelles d’étain. Le reste de la vaisselle de table n’est pas beaucoup détaillé dans les inventaires où seuls les ustensiles en métal étaient comptés. Les objets en poterie de faible valeur, ou en bois taillé maison, comme les cuillères par exemple, ne sont pas énumérés.

Les effets personnels constituaient aussi un bien transmissible important, ils devront être restitués à valeur égale aux enfants à la fin de la tutelle.
12 chemises d’homme et 12 chemises de filles chez Jacques Reynaud. Il ne compte pas son costume le plus neuf, ni ses souliers, contrairement à la plupart des testateurs… chacun pourra en tirer une conclusion personnelle. A noter que la moyenne de consommation pour les souliers est d’une paire neuve tous les 2 ans, comme on le constate dans les actes fixant les pensions…  Les manteaux et pelisses sont bien rares dans tous les inventaires : il ne fallait vraiment pas être frileux !

On finit l’inventaire par les réserves : « grain et fourrage pour la nourriture de la famille et de son bétail jusqu’à la récolte » (c’était le 6 février), 50 livres de saine laine, 4 cordes de planches de mélèze, 3 parles de cordes (de chanvre) et 12 livres de parnes ou goins (pentures, pièces de métal).

Et les économies alors ? Combien dans la bourse de Jacques ? On ne le saura jamais, pas plus que pour les autres testateurs. C’est l’affaire de l’héritier universel ou de son tuteur… mais peut-être n’y a-t-il pas beaucoup d’espèces sonnantes et trébuchantes dans la cagnotte des pères ! Les rares créances sont chiffrées, quelques voisins doivent quelques livres … Mais si chaque testateur fixe le montant de la dot de ses filles et le pécule de ses « enfants », c’est-à-dire ses garçons, cela ne veut pas dire qu’il dispose de la somme nécessaire : il incombe à l’héritier universel de la gagner au moyen de l’exploitation agricole transmise et de la verser quelques années plus tard, sous peine de procès des frères et sœurs. Ainsi certains enfants n’ont pas de quoi payer comptant au curé toutes les messes demandées par leur défunt père, ni même les 3 livres pour la confrérie des pénitents. Au fil du temps les testaments évolueront et les testateurs devenant plus réalistes (ou pessimistes) ne demanderont que des obsèques en rapport avec les moyens de la maison…

Source : acte notarié Archives Départementales des Alpes de Haute Provence cote 2 E 12177 folio 2v et suivants, sur le site :

https://www.laverq.net/genealogie/actes/testament-de-reinaud-jacques/7045/

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